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De l’agrile du frêne à la résilience de nos aménagements végétaux

25 septembre 2020

L’apparition de l’agrile du frêne en Amérique du Nord nous rappelle la fragilité de nos écosystèmes. La progression de cet insecte originaire d’Asie est attribuable en partie au transport de marchandises étrangères et aux déplacements internationaux. Au cours des 20 dernières années, son ravage a décimé plusieurs centaines de millions de frênes au Canada et aux États-Unis.  

Comment s’est-il répandu aussi rapidement ? Zoom sur cette espèce contre qui l’environnement nord-américain n’avait aucun moyen de se défendre et ses répercussions sur la santé de nos collectivités. 

Les premières traces de l’agrile du frêne  

En 2001, une mortalité importante des frênes dans la ville américaine de Détroit, au Michigan, est observée.  Plusieurs spécimens de frênes dépérissent soudainement. Au départ, on croit à la propagation du jaunissement du frêne. Ces conclusions sont vite écartées, au printemps 2002, lors de la découverte d’insectes émergeant de frênes morts et laissant leur empreinte à même l’écorce.  

Suite à l’envoi d’échantillons auprès de nombreux entomologistes à travers toute l’Amérique du Nord et l’Europe, le verdict est rendu : on confirme la présence de l’Agrilus planipennis aux États-Unis. La même année, une équipe du ministère des Ressources naturelles de l’Ontario et de l’Agence d’inspection des aliments (ACIA) décèle également sa présence dans la ville de Windsor, au Canada.  L’insecte aurait logé dans le bois d’une palette transportant des marchandises en provenance d’Asie, sous sa forme larvaire, favorisant sa traversée d’un océan à l’autre.

La conquête du continent  

Aujourd’hui, l’agrile du frêne est l’une des espèces les plus difficiles à combattre, malgré de nombreuses mesures mises en place pour freiner sa course. Au Canada et aux États-Unis, le climat est favorable à son éclosion : frênes en quantité abondante, prédateurs inexistants, tolérance aux variations des saisons. Avec ses coloris bleu et vert émeraude, ses reflets métalliques sur tout le corps, sa capacité à voler et son stade larvaire dissimulé sous l’écorce, ce coléoptère a su faire sa place en causant la mort de plusieurs centaines de million de frênes. De nos jours, il occupe l’ensemble du Québec méridionale. Les milieux forestiers, agricoles et urbains sont pour lui autant de mosaïques intéressantes miroitant la possibilité de s’établir, tant et aussi longtemps que les frênes y seront présents. Certains qualifieraient sa conquête d’«infestation parfaite». Or, sa multiplication  rapide a mené à de graves conséquences pour l’environnement.  

Au-delà des ravages  

Depuis les premiers signes d’envahissement, les professionnels du milieu collaborent étroitement afin d’implanter des mesures visant à réduire les dommages provoqués par l’agrile du frêne et à freiner sa propagation dans la nature. Pour n’en nommer que quelques-uns, l’injection d’insecticides, l’introduction de prédateurs comme la guêpe ou mise en contact de l’insecte avec des parasitoïdes mycologiques font partie des avenues empruntées pour limiter les dommages collatéraux. Cette stratégie de lutte se déploie dans un seul but : protéger l’environnement. Sans baiser les bras, les villes et les municipalités multiplient leurs efforts en dépit des difficultés à éradiquer l’agrile. Toutefois, n’est-ce pas l’occasion de voir au-delà de la protection des frênes ? Pourquoi ne pas repenser nos modèles de protection de l’environnement ? Contrairement aux idées préconçues, le remède le plus efficace n’est peut-être pas de protéger nos frênes de cet insecte ravageur, ni même de décimer l’agrile sur l’ensemble de nos territoires. Le passage de cet intrus nous amène à reconsidérer nos méthodes de prévention et de protection de l’environnement. Il suggère également un paradigme nouveau : la résilience de nos aménagements végétaux.   

Cette courte capsule explique les actions entreprises sur le territoire de la Communauté depuis la découverte de l’agrile du frêne.

Comment ce concept s’applique-t-il dans nos collectivités ?  

Nous comprenons mieux que jamais les risques liés aux plantations monolithiques d’une seule essence d’arbre, que ce soit lors des plantations en milieu urbain, ou au moment d’aménager des haies brise-vent en milieu agricole. Il en va ainsi pour la régénération planifiée en milieu forestier. Une piste de solution réside en la diversification de nos plantations et dans le souci collectif d’intervenir pour assurer une diversification de nos peuplements. Nos apprentissages issus de cette lutte devraient tenir de lieu commun pour l’ensemble de nos projets, peu importe leur envergure. Cette vision globale rend hommage à toute la complexité de notre environnement et en assure la protection à long terme.  Il est temps de regarder le phénomène de l’agrile du frêne autrement, et bénéficier des apprentissages qu’il nous a enseigné. 
 

Auteur :  
–  Alexandre Bélanger, Conseiller en environnement à la CMQ
Article paru initialement dans le quotidien Le Soleil à l’intérieur du cahier spécial « La forêt au cœur de nos vies » de l’AF2R, mai 2020