Les paysages et la période industrielle de 1867 à 1945

La période de 1867 à 1945 se démarque par une révolution où la société à dominante agraire et artisanale passe à une société industrielle et commerciale. L’arrivée de nouvelles technologies crée des réseaux à forte empreinte sur les paysages : le chemin de fer, l’automobile, le télégraphe, puis le téléphone, et l’électricité. Après la Première Guerre, l’automobile requiert l’amélioration des voies existantes et la construction de nouvelles routes. L’avion fait également son apparition.

La forêt demeure au cœur de l’économie alors qu’émerge l’industrie de la pâte et du papier. Le bois de sciage remplace le bois équarri et la planche fait son apparition facilitant l’émergence d’une architecture résidentielle de masse. Des secteurs industriels traditionnels déclinent, dont les chantiers navals orientés sur la fabrication de bateaux de bois. S’établissent des manufactures, des ateliers et des commerces de détail. La forte croissance de la population fait grossir les villes et les villages de la région et naissent également des secteurs de villégiature. Québec devient la capitale de la province de Québec. Comme ailleurs au Québec, la production laitière et la mécanisation des travaux de champs transforment les campagnes.

Les éléments structurants de la période industrielle

Durant cette période, les voies d’eau, le relief et la forêt demeurent les éléments naturels structurants de l’occupation du territoire et leurs transformations profondes se poursuivent. Une nouvelle verticalité apparaît dans les paysages, premiers bâtiments en

hauteur, églises plus imposantes, infrastructures verticales alignées en réseaux avec leurs tours ou poteaux, de même que la modification de la relation traditionnelle au fleuve par l’émergence de nouvelles barrières et de nouveaux usages.

  1. Carte topographique, secteur Québec, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
  2. Carte topographique, secteur Chaudière, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
  3. Carte topographique, secteur Orléans, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
  4. Carte topographique, secteur Québec, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
  5. Carte topographique, secteur Chaudière, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
  6. Carte topographique, secteur Orléans, Bibliothèque et Archives nationales du Québec

 


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Pour visualiser les cartes de 1920 et 1944, consultez la carte interactive Géosuite


 

Fleuve et cours d’eau industriels

L’industrialisation en bordure des cours d’eau se poursuit. Le long du fleuve à Lévis, la bande riveraine et ses abords s’industrialisent avec des voies ferrées, des scieries, de nouvelles manufactures comme la Gravel Lumber ou la fonderie Lainé sur la rue Saint-Laurent et l’expansion des chantiers maritimes Davie, dernier grand chantier naval de la région. Lévis devient une plaque tournante avec sa nouvelle gare d’accueil pour les immigrants et la quarantaine animale à l’emplacement de la ferme Chapais. Par la suite, la construction du pont de Québec induit un déclin des activités traditionnelles le long du littoral de Lévis et leur mutation vers le commerce et l’entreposage.

À Québec, de grands travaux modernisent le port et modifient l’estuaire de la rivière Saint-Charles de manière importante par la construction d’une écluse et de grands quais de part et d’autre du bassin Louise à l’emplacement d’un ancien chenal de la rivière. Plusieurs voies ferrées desservent le port. Le port change d’aspect avec la construction de nouveaux élévateurs et silos à grain. Il s’étend aussi vers l’ouest avec des remblais qui créent les secteurs Champlain et du Foulon, la construction de quais en eau profonde et l’installation d’autres industries facilitées par la présence de la voie ferrée.

Ce faisant, les industries en bordure de la rivière Saint-Charles l’ont graduellement transformée en égout à ciel ouvert. Après avoir construit un premier aqueduc vers Québec en provenance du lac Saint-Charles, un barrage agrandit ce dernier, créant un plus vaste réservoir qui inonde les terres avoisinantes.

Sur la côte de Beaupré, la présence de la voie ferrée amène aussi de nouvelles industries en bordure du fleuve. On y retrouve la Dominion Textile à l’embouchure de la rivière Montmorency et Brique Citadelle à Boischatel, dont la trace est encore perceptible aujourd’hui par la cicatrice laissée dans la pente. Ces industries changent le visage de la côte de Beaupré, demeuré essentiellement agricole, jusqu’à la fin du 19e siècle.

Des barrages et des centrales pour la production d’électricité modifient l’aspect des rivières  Chaudière, Montmorency, Jacques-Cartier, puis Sainte-Anne.

Si plusieurs industries sont aujourd’hui disparues, certaines ont laissé un patrimoine bâti unique et distinctif qui a parfois fait l’objet de reconversions réussies comme l’ancienne Dominion Corset, utilisée par l’Université Laval (École de design) ainsi que par la Ville de Québec pour des espaces à bureaux. D’autres ensembles encore en usage posent le défi de leur mise en valeur, dont celui de la papetière White Birch.

  1. Tours d’eau et cheminées Gravel Lumber Co. de la Ville de Lévis, Fonds Richard Dorval, Secteur des archives privées de la Ville de Lévis
  2. Vue aérienne oblique des installations de la Gravel Lumber à Saint-Romuald (1946) qui sera occupé par la suite par l’usine Baribeau Craft, Collection Edwards, Archives de la Ville de Québec
  3. Vue aérienne oblique du bassin Louise, des élévateurs à grain et à l’arrière-plan de la côte de Beauport (1925), Collection Fairchild, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
  4. Vue aérienne oblique du bassin Louise, des élévateurs à grain agrandis et de la côte de Beauport (1949), Louis Lanouette, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
  5. L’Anglo Canadian Pulp  & Paper (1933), Espace Parvis – Exposition virtuelle
  6. L’usine de La Brique Citadelle Limitée à Boischatel (1951), photographe non identifié, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
  7. La papetière Abitibi Bowater, maintenant disparue, s’établit à l’embouchure de la rivière Sainte-Anne (1947). Cette dernière sert au flottage du bois,Collection Edwards, Archives de la Ville de Québec

Expansion des villes et des villages et conquête d’espaces agricoles et forestiers

La ville de Québec s’étend vers l’ouest, tant sur le promontoire dans Montcalm et Saint-Sacrement, que le long de la Saint-Charles dans Saint-Sauveur, Saint-Malo et au nord de la Saint-Charles avec Limoilou. Outre les vieux quartiers centraux dans l’enceinte fortifiée et la basse-ville, la ville offre des paysages urbains contrastés. On y retrouve une banlieue pavillonnaire dans Montcalm et Saint-Sacrement, un développement planifié dans Limoilou et jugé exceptionnel par ses avenues plantées, des secteurs institutionnels et bourgeois le long de la Grande-Allée et des quartiers ouvriers denses près de la Saint-Charles. Le faubourg Saint-Roch prend un aspect de centre-ville avec le nouveau boulevard Charest et les commerces et boutiques de la rue Saint-Joseph.

Vers l’ouest, le reste de la colline de Québec présente encore un caractère champêtre avec un amalgame de champs et de grands boisés.

Plusieurs grandes institutions quittent la ville pour s’établir sur des terres agricoles, particulièrement à Sainte-Foy, avec l’hôpital Saint-Sacrement, l’hôpital Laval ou le collège des Frères des Écoles chrétiennes, prémisse du Cégep de Sainte-Foy. Un nouvel aéroport s’établit dans les champs de L’Ancienne-Lorette à l’emplacement actuel. À l’inverse, l’installation de l’hôpital Saint-Michel-Archange dans Beauport a consacré la présence d’un espace agricole jusqu’à nos jours.

De nouveaux villages se développent : Saint-Émile grâce à l’industrie du cuir et sa proximité de Wendake, Sainte-Brigitte-de-Laval en relation avec l’exploitation de la forêt et sa proximité de la rivière Montmorency, Boischatel à partir du hameau situé près de la chute Montmorency, Beaupré avec son noyau ouvrier relié à la papetière sur la rivière Sainte-Anne et Saint-Tite-des-Caps dans une vallée agricole plus haute en altitude. Pendant cette période, se développe également Shannon en relation à la centrale hydroélectrique construite sur la rivière Jacques-Cartier afin de contribuer à l’éclairage urbain de la Ville de Québec.

Sur la côte de Beaupré, la popularité du sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré favorise la croissance de ce noyau institutionnel. La construction du boulevard Sainte-Anne se profile marquant un changement dans l’échelle de cette voie en comparaison de l’avenue Royale, située au bas de l’escarpement.

  1. Vue du promontoire de Québec et de la Grande-Allée vers l’est (1937), Collection Edwards, Archives de la Ville de Québec
  2. Le bâti de Sainte-Foy s’échelonne le long de la route de l’Église et du chemin de Sainte-Foy ou se concentre autour de sa nouvelle église en pierre (1937), Collection Edwards, Archives de la Ville de Québec
  3. L’hôpital Laval (1936), Collection Edwards, Archives de la Ville de Québec
  4. Vue de Sainte-Anne-de-Beaupré avant la construction des flèches de la basilique (1946), Collection Edwards, Archives de la Ville de Québec

De nouveaux secteurs de villégiature et de plein air

Deux grands terrains de golf voient le jour à l’extérieur de Québec transformant les abords de la Montmorency à Boischatel et la pointe de l’île d’Orléans à Sainte-Pétronille. Avec l’attrait pour la villégiature en forêt ou au bord d’un cours d’eau, de nouveaux secteurs sont conquis. Des chalets se construisent autour des lacs Saint-Augustin et Saint-Joseph, le long de la rivière Jacques-Cartier ou à plusieurs endroits le long du fleuve, comme à l’île d’Orléans dans Sainte-Pétronille, Saint-Laurent et Saint-Jean. La présence d’une voie ferrée contribue aussi à l’essor de la villégiature dans des secteurs plus éloignés de la ville, dont Val-Bélair, Lac-Saint-Charles et Stoneham. L’attrait pour le ski amorce le développement de Lac-Beauport et le déboisement pour la création des  monts Saint-Castin et  Sainte-Anne. Sur la côte de Beaupré, déjà reconnue pour la chasse à la sauvagine, un premier club de chasse privatise un accès à Cap-Tourmente.

Les paysages agricoles
Malgré l’expansion des développements industriels, urbains et villageois, ces derniers demeurent circonscrits le long des rives nord et sud du fleuve, dans la continuité des quartiers anciens de Québec et de Lévis, ou associés à d’anciens hameaux, villages ou paroisses.

De grands pans du territoire présentent encore un fort caractère agricole. Dès la fin du 19e siècle, tous les rangs sont concédés et font place à un habitat rural isolé.


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Vers 1885, le peintre Henry Bunnet témoigne de l’empreinte du développement et de l’influence de l’agriculture sur la création de grands paysages ouverts et sur le découpage de l’espace induit par le Régime seigneurial.


 

La mécanisation des travaux entraîne une progression des champs en culture, par exemple, dans la plaine de Lévis ou sur l’île d’Orléans, réduisant la taille des boisés de ferme. À l’île d’Orléans, s’ensuit aussi l’abandon progressif de prairies naturelles le long du littoral pour la culture du foin en champ. Partout, les fermes laitières deviennent perceptibles dans le paysage avec leur silo.