Crédit photo : 1937. Archives de la Ville de Québec, N023385.
La période de 1867 à 1945 se démarque par une révolution où la société à dominante agraire et artisanale passe à une société industrielle et commerciale. L’arrivée de nouvelles technologies crée des réseaux à forte empreinte sur les paysages : le chemin de fer, l’automobile, le télégraphe, puis le téléphone et l’électricité. Après la Première Guerre, l’automobile requiert l’amélioration des voies existantes et la construction de nouvelles routes. L’avion fait également son apparition. La forêt demeure au cœur de l’économie alors qu’émerge l’industrie de la pâte et du papier. Le bois de sciage remplace le bois équarri et la planche fait son apparition, facilitant l’émergence d’une architecture résidentielle de masse. Des secteurs industriels traditionnels déclinent, dont les chantiers navals spécialisés dans la fabrication de bateaux de bois.
Parallèlement, des manufactures, des ateliers et des commerces de détail s’établissent. La forte croissance de la population fait grossir les villes et les villages de la région et naissent également des secteurs de villégiature. Québec devient la capitale de la province de Québec. Comme ailleurs au Québec, la production laitière et la mécanisation des travaux de champs transforment les campagnes. Alors que l’île d’Orléans subit peu de transformations, la comparaison des cartes suivantes permet de visualiser les changements qui s’opèrent à Québec et à Lévis.
Après 1944. Carte topographique, secteur Québec. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2670164.
Avant 1920. Carte topographique, secteur Québec. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2684617.
Après 1944. Carte topographique, secteur Chaudière. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2670176.
Avant 1920. Carte topographique, secteur Chaudière. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2669841.
Après 1944. Carte topographique, secteur Orléans. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2670178_1.
Avant 1920. Carte topographique, secteur Orléans. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2684618.
Les éléments structurants des paysages de cette période industrielle
Durant cette période, les voies d’eau, le relief et la forêt demeurent les éléments naturels structurants de l’occupation du territoire, mais leurs transformations profondes se poursuivent. Une nouvelle verticalité apparaît dans les paysages; premiers bâtiments en hauteur, églises plus imposantes, infrastructures verticales alignées en réseaux avec leurs tours ou poteaux. Même la relation traditionnelle au fleuve se transforme par l’émergence de nouvelles barrières et de nouveaux usages.
Fleuve et cours d’eau industriels
L’industrialisation en bordure des cours d’eau se poursuit. Le long du fleuve à Lévis, la bande riveraine et ses abords s’industrialisent avec des voies ferrées, des scieries et de nouvelles manufactures comme la Gravel Lumber ou la fonderie Lainé sur la rue Saint-Laurent. Les chantiers maritimes Davie, dernier grand chantier naval de la région, connaissent également une expansion.
Lévis devient une plaque tournante avec sa nouvelle gare d’accueil pour les immigrants et la quarantaine animale à l’emplacement de la ferme Chapais. Par la suite, la construction du pont de Québec induit un déclin des activités traditionnelles le long du littoral de Lévis et leur mutation vers le commerce et l’entreposage.
À Québec, de grands travaux modernisent le port et modifient l’estuaire de la rivière Saint-Charles de manière importante par la construction d’une écluse et de grands quais de part et d’autre du bassin Louise à l’emplacement d’un ancien chenal de la rivière. Plusieurs voies ferrées desservent le port. Le port change d’aspect avec la construction de nouveaux élévateurs et silos à grain. Il s’étend aussi vers l’ouest avec des remblais qui créent les secteurs Champlain et du Foulon, la construction de quais en eau profonde et l’installation d’autres industries facilitées par la présence de la voie ferrée.
Le long de la rivière Saint-Charles, des manufactures remplacent les chantiers navals. La papetière Anglo Canadian Pulp & Paper, maintenant la White Birch, s’implante à Limoilou et modifie toute la partie est de l’embouchure de la rivière Saint-Charles en requérant des remblais et des quais de très grande envergure. Cette industrie devient une barrière importante entre la baie de Beauport et le quartier Limoilou, ce dernier perdant tout accès au fleuve. Plus à l’ouest, des manufactures voient aussi le jour dans les secteurs près de la rivière Saint-Charles avec la création du parc industriel Saint-Malo. En amont, un moulin à papier s’établit également près de la chute Kabir Kouba alors que perdurent les moulins le long de la rivière Du Berger.
Ce faisant, les industries en bordure de la rivière Saint-Charles l’ont graduellement transformée en égout à ciel ouvert. Après avoir construit un premier aqueduc vers Québec en provenance du lac Saint-Charles, un barrage agrandit ce dernier, créant un plus vaste réservoir qui inonde les terres avoisinantes. Sur la côte de Beaupré, la présence de la voie ferrée amène aussi de nouvelles industries en bordure du fleuve. On y retrouve la Dominion Textile à l’embouchure de la rivière Montmorency et Brique Citadelle à Boischatel, dont la trace est encore perceptible aujourd’hui par la cicatrice laissée dans la pente. Ces industries changent le visage de la côte de Beaupré, demeuré essentiellement agricole jusqu’à la fin du 19e siècle.
Des barrages et des centrales pour la production d’électricité modifient l’aspect des rivières Chaudière, Montmorency, Jacques-Cartier, puis Sainte-Anne. Si plusieurs industries sont aujourd’hui disparues, certaines ont laissé un patrimoine bâti unique et distinctif qui a parfois fait l’objet de reconversions réussies comme l’ancienne Dominion Corset, utilisée par l’Université Laval (École de design) ainsi que par la Ville de Québec pour des espaces à bureaux. D’autres ensembles encore en usage posent le défi de leur mise en valeur, dont celui de la papetière White Birch.
Expansion des villes et des villages et conquête d’espaces agricoles et forestiers
La ville de Québec s’étend vers l’ouest, tant sur le promontoire dans Montcalm et Saint-Sacrement, que le long de la Saint-Charles dans Saint-Sauveur, Saint-Malo et au nord de la Saint-Charles avec Limoilou. Outre les vieux quartiers centraux dans l’enceinte fortifiée et la basse-ville, la ville offre des paysages urbains contrastés. On y retrouve une banlieue pavillonnaire dans Montcalm et Saint-Sacrement, un développement planifié dans Limoilou et jugé exceptionnel par ses avenues plantées, des secteurs institutionnels et bourgeois le long de la Grande-Allée et des quartiers ouvriers denses près de la Saint-Charles. Le faubourg Saint-Roch prend un aspect de centre-ville avec le nouveau boulevard Charest et les commerces et boutiques le long de la rue Saint-Joseph.
Vers l’ouest, le reste de la colline de Québec présente encore un caractère champêtre avec un amalgame de champs et de grands boisés. Plusieurs grandes institutions quittent la ville pour s’établir sur des terres agricoles, particulièrement à Sainte-Foy, avec l’hôpital Saint-Sacrement, l’hôpital Laval ou le collège des Frères des Écoles chrétiennes, prémisse du Cégep de Sainte-Foy. Un nouvel aéroport s’établit dans les champs de L’Ancienne-Lorette à l’emplacement actuel. À l’inverse, l’installation de l’hôpital Saint-Michel-Archange dans Beauport a consacré la présence d’un espace agricole jusqu’à nos jours.
De nouveaux villages se développent : Saint-Émile grâce à l’industrie du cuir et sa proximité de Wendake, Sainte-Brigitte-de-Laval en relation avec l’exploitation de la forêt et sa proximité de la rivière Montmorency, Boischatel à partir du hameau situé près de la chute Montmorency, Beaupré avec son noyau ouvrier relié à la papetière sur la rivière Sainte-Anne et Saint-Tite-des-Caps dans une vallée agricole plus haute en altitude. Pendant cette période, Shannon se développe également à proximité d’une centrale hydroélectrique construite sur la rivière Jacques-Cartier afin de contribuer à l’éclairage urbain de la Ville de Québec. Sur la côte de Beaupré, la popularité du sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré favorise la croissance de ce noyau institutionnel. La construction du boulevard Sainte-Anne sur la bande littorale au fleuve marque un changement dans l’échelle de cette voie en comparaison de l’avenue Royale, située en haut de l’escarpement.
Nouveaux secteurs de villégiature et de plein air
Deux grands terrains de golf voient le jour à l’extérieur de Québec, transformant par le fait même les abords de la Montmorency à Boischatel et la pointe de l’île d’Orléans à Sainte-Pétronille. Avec l’attrait pour la villégiature en forêt ou au bord de l’eau, de nouveaux secteurs sont conquis. Des chalets se construisent autour des lacs Saint-Augustin et Saint-Joseph, le long de la rivière Jacques-Cartier et à plusieurs endroits le long du fleuve, comme à l’île d’Orléans dans Sainte-Pétronille, Saint-Laurent ou Saint-Jean. La présence d’une voie ferrée contribue aussi à l’essor de la villégiature dans des secteurs plus éloignés de la ville, tels que Val-Bélair, Lac-Saint-Charles et Stoneham. L’attrait pour le ski amorce le développement de Lac-Beauport et le déboisement pour la création des monts Saint-Castin et Sainte-Anne. Sur la côte de Beaupré, déjà reconnue pour la chasse à la sauvagine, un premier club de chasse privatise un accès à Cap-Tourmente.
Les paysages agricoles
Malgré l’expansion des développements industriels, urbains et villageois, les paysages agricoles demeurent le long des rives nord et sud du fleuve, dans la continuité des quartiers anciens de Québec et de Lévis ou associés à d’anciens hameaux, villages ou paroisses. De grands pans du territoire présentent encore un fort caractère agricole. Dès la fin du 19e siècle, la concession et la construction de tous les lots le long des rangs créent un type d’habitat rural aligné. D’ailleurs, vers 1885, le peintre Henry Bunnet témoigne de l’influence de l’agriculture sur la création de grands paysages ouverts et sur le découpage de l’espace établi par le Régime seigneurial.
La mécanisation des travaux entraîne une progression des champs en culture, par exemple, dans la plaine de Lévis ou sur l’île d’Orléans, réduisant la taille des boisés de ferme. À l’île d’Orléans, s’ensuit aussi l’abandon progressif de prairies naturelles le long du littoral pour la culture du foin en champ. Partout, les fermes laitières deviennent perceptibles dans le paysage avec leur silo.
Les réseaux d’infrastructures
Le chemin de fer
Le déploiement du chemin de fer a une profonde influence sur les paysages. Le chemin de fer contribue à l’émergence de nouvelles icônes dans la région avec la construction du château Frontenac par le Canadien Pacifique, puis du pont de Québec et du tracel de Cap-Rouge.
Les voies ferrées s’implantent en deux temps; dans un premier temps sur la rive sud, puis, après la construction du pont de Québec, sur la rive nord. Elles sont positionnées sur des terrains plats, à travers la plaine de Lévis et les parties basses attenantes à la rivière Saint-Charles pour contourner la colline de Québec. En s’implantant dans des lieux stratégiques près des quartiers, le chemin de fer sera un important vecteur de transformation des paysages et de l’urbanisation du territoire. La séquence à gauche montre la rapidité des transformations à l’anse Tibbits à Lévis au cours d’une trentaine s avec la venue du terminus du Grand Tronc.
Le rail s’implante en continu le long de la rive du fleuve, comprenant des sections dans les estrans. Il se déploie tant sur la rive sud de la rivière Etchemin jusqu’à Lauzon, que sur la rive nord, de Sillery jusqu’au secteur du traversier, puis du port de Québec jusqu’au long des côtes de Beauport et de Beaupré. Des tronçons s’implantent également de part et d’autre de la rivière du Cap Rouge, le long de la rivière Saint-Charles, entre la rue Marie-de-l’Incarnation et le port, montant vers Val Rose (Valcartier) en longeant la rivière Nelson. En contrepartie, les raccords au pont de Québec s’implantent en hauteur. Situés sur le bord de l’escarpement jusqu’à la côte à Gignac, ils conduisent à la construction du tracel de Cap-Rouge.
Après Vers 1920. Vue du secteur du Cap-Blanc, avec la voie ferrée et les remblais gagnés sur le fleuve. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, par Edgar Garic, p600s6d1p2.
Avant Vers 1890. Vue du Cap-Blanc, avant l’implantation de la voie ferrée, avec les quais et l’église Notre-Dame-de-la-Garde construite depuis peu. Fonds Livernois, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, ltc3a9e-p560s2d2p84164.
Le chemin de fer modifie les lieux en nécessitant remblais, digues et ponts de même qu’un tunnel sous Sillery vers Saint-Malo. Il occasionne l’implantation de gares de triage dans Charny, dans Sainte-Foy, dans Saint-Malo et au nord du port de Québec. Il amène également la mise en place d’un réseau de gares pour desservir la population à Lévis, à Québec et le long de la côte de Beauport et de Beaupré. Puis, il sert de précurseur à l’implantation d’autres corridors, routiers et de services publics.
Si une grande partie du réseau ferroviaire perdure toujours, cinq tracés abandonnés ont fait l’objet d’une mise en valeur récente à des fins cyclables, contribuant ainsi à la découverte de nouveaux points de vue sur les paysages. Sur la rive sud, il s’agit du Parc linéaire du Grand-Tronc, du Parcours des Anses le long du fleuve et du Parcours Harlaka. Sur la rive nord, on compte le Corridor des Cheminots et la Vélopiste Jacques-Cartier-Portneuf qui se poursuit jusqu’à Rivière-à-Pierre. Des sections abandonnées ont laissé peu de traces, dont celles à l’est de la rivière et du lac Saint-Charles jusqu’à Stoneham, entre Giffard et Courville. D’autres sections abandonnées ont servi à l’implantation de rues locales ou de boulevards, dont le boulevard des Chutes, à Beauport.
Le déploiement du chemin de fer génère ainsi les premières fragmentations des espaces agricoles traditionnels, les premières barrières entre les quartiers et la rive du fleuve et l’isolement de lieux autrefois reliés au fleuve comme le domaine Maizerets. En contrepartie, il génère également l’insertion de nouveaux repères dans le paysage, d’un patrimoine industriel d’intérêt et de tracés qui seront, ultérieurement, mis en valeur à des fins récréatives.
Les ponts et routes provinciaux
Durant cette période, les principaux changements du réseau routier concernent l’implantation de deux ponts pour franchir le fleuve et de trois grandes routes provinciales. Construit pour le chemin de fer et mis en service en 1919, le pont de Québec est aménagé pour l’automobile dix ans plus tard. S’ensuivra la route Sir Wilfrid Laurier vers Montréal, implantée dans Lévis le long de la voie ferrée et servant à relier le pont de Québec à la route vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cette route est localisée plus exactement dans la continuité du boulevard Henri-Bourassa et de la vallée de Stoneham. Le pont de l’île d’Orléans, ouvert en 1935, transforme le paysage de la côte de Beaupré et de l’île. Le boulevard Sainte-Anne prend place du chemin Royal dans Beauport jusqu’au pont de l’île et tout au long de la côte de Beaupré, entre la voie ferrée et la rive du fleuve vers Charlevoix. Cette nouvelle route consacre l’ajout d’une nouvelle barrière avec le fleuve.
Les réseaux électrique, de télégraphe et de téléphone
L’électrification change également les paysages des villes et des campagnes. L’électrification met en place les premiers réseaux de transport avec des lignes principales sur tours d’acier et secondaires sur poteaux de bois. Alors que le réseau sur poteaux de bois suit généralement les tracés de routes ou de rues, le réseau sur tours d’acier s’établit selon une logique distincte. Deux réseaux fragmentent le territoire. Le tracé de la Shawinigan Water Power Co. fractionne le territoire du nord au sud, traverse le fleuve près du pont de Québec et longe la rive gauche de la rivière Chaudière vers Lotbinière. Quant au réseau est/ouest, une ligne longe le fleuve à partir de Saint-Augustin jusqu’à la papetière Anglo Pulp et la centrale de la chute Montmorency. Ces installations pavent le chemin aux premiers grands réseaux de lignes téléphoniques. Ces premiers parcours correspondent majoritairement aux réseaux nord/sud et est/ouest de lignes actuelles d’Hydro-Québec à 230 kV.
Perceptions des paysages
L’intérêt pour les sites d’exception offrant une vue pittoresque sur des paysages d’ensemble se poursuit. Face à l’engouement pour la déambulation le long de promenades, la terrasse Dufferin est prolongée et dotée des kiosques actuels. Une promenade est aménagée sur les fortifications. Cet engouement se traduit aussi sur la rive sud avec la construction de la terrasse de Lévis, située en face du Château Frontenac et donnant une vue exceptionnelle sur Québec et les Laurentides.
Des constructions emblématiques
De nouveaux repères émergent dans le paysage, tant en haute-ville, qu’en basse-ville de Québec qu’au bord du fleuve. La silhouette bâtie de Québec évolue avec l’ajout de trois nouveaux symboles : l’Hôtel du Parlement, symbole du pouvoir parlementaire, le Château Frontenac, symbole de la puissance économique des compagnies ferroviaires au Canada et l’édifice Price, premier gratte-ciel de Québec et symbole de la puissance financière de cette compagnie de papier.
Le Château Frontenac, construit à un emplacement proéminent sur le cap Diamant, face au fleuve et inspiré des châteaux de la Loire, remplace le château Haldimand, siège du gouvernement colonial britannique. Il vise à exprimer l’image romantique de ville française que les gens se faisaient de Québec [25]. Dominé par une tour centrale, cet hôtel est aujourd’hui devenu un emblème de la ville de Québec, en plus d’être l’hôtel le plus photographié au monde.
Le pont de Québec, véritable prouesse de génie civil, devient également un repère emblématique du fleuve. Le pont de l’île d’Orléans, quant à lui, relie l’île à Beauport et la côte de Beaupré, sert de repère du chenal nord du fleuve et signe la fin du pont de glace.
Dans la ville de Québec, devenue un centre industriel d’importance, les cheminées d’usine dominent les ensembles bâtis et deviennent les nouveaux repères des divers secteurs industriels de la basse-ville. En contrepartie, les élévateurs à grain du port de Québec et leurs hauts convoyeurs ferment dorénavant une partie de la vue vers l’élargissement du fleuve à partir du bassin Louise.
Plusieurs églises plus imposantes sont construites, souvent en remplacement de gabarit plus petit dans divers quartiers urbains, villes ou villages, et marquent le paysage par leur volume et leur clocher. L’église de L’Ancienne-Lorette et celle de Beauport en sont de bons exemples auxquelles s’ajoute la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré.
- En savoir plus : extrait de Récits laurentiens par Marie-Victorin
La présence des églises dans le paysage, particulièrement dans un secteur agricole en voie de transformation comme celui aux abords du boulevard Hamel, est bien rendue dans ce texte.
« Le chemin qui, sortant de Québec, file entre les haies d’aubépine vers la Petite-Rivière et l’Ancienne-Lorette traverse une campagne vieille comme la cognée française en Amérique. De cette origine elle garde un air de noblesse rurale, de vastes fermes historiques où la richesse est héréditaire et normale, avec, à la croisée des chemins, des hameaux tranquilles qui vous ont de vieux noms français délicieux, attendrissants !
Tout près, la rivière Saint-Charles, exsangue, bordée de cerisiers à grappe, de sureaux et d’asters blancs, coule à petits bouillons sur ses cailloux polis. Les deux routes, celle du Nord et celle du Sud, l’enjambent tour à tour et d’une seule arche sur de petits ponts de bois d’un archaïsme charmant. Derrière les feuillages, on devine plutôt qu’on ne voit des maisons retirées et d’antiques moulins bâtis au temps des Français. Voici le hameau des Saules, carrefour de rivières et de routes où, tout le jour, devant la boutique du maréchal-ferrant défilent, au pas, les voyages de foin descendant de l’Ormière.
Tournez à gauche et prenez vers l’Ancienne- Lorette. Le paysage s’agrandit. D’un côté, l’église de Sainte-Foy s’agenouille à flanc de coteau et vers le nord, sur les premières pentes des Laurentides, comme des bijoux d’argent sur un écrin vert, les clochers des deux Lorettes brillent dans la montée des arbres innombrables » [26].
De nouvelles valorisations paysagères
Devant la nécessité de rendre la ville plus fonctionnelle, les fortifications sont perçues comme étant nuisibles à l’expansion de la ville. L’élargissement des portes tout en conservant leur cachet et l’aménagement d’une promenade sur les fortifications font partie des améliorations qui permettront de les sauvegarder, de les mettre en valeur et d’en faire un héritage patrimonial pour le Vieux-Québec. Cette valorisation à l’égard du patrimoine se traduit également, plus tard, à la suite de la construction du pont de l’île d’Orléans. Perçu comme une menace face à l’accroissement de la circulation de véhicules, il conduit à l’adoption d’une première loi visant à préserver le caractère rural de l’entièreté de l’île.
Vers la fin du 19e siècle, le mouvement de conservation de la nature, amorcé aux États–Unis, rejoint le Québec. La colonisation étant perçue comme un facteur important de déboisement de la forêt, le parc des Laurentides est créé en vue d’en faire une réserve forestière. Il est devenu par la suite une réserve faunique dédiée à la chasse et la pêche, un parc public et un lieu de délassement pour les citoyens.
Les premiers grands parcs urbains font leur apparition avec la nécessité d’aménager des poumons verts à l’instar des grandes villes européennes et américaines. Le parc des Champs-de-Bataille, conçu au début du 20e siècle par l’architecte paysagiste Frederick Todd, transforme le site des plaines d’Abraham « en un parc national afin d’en assurer la restauration et la conservation permanente, sans en altérer la beauté ni l’aspect historique » [27]. L’aménagement du parc Victoria transforme un méandre de la rivière Saint-Charles, aujourd’hui disparu.
L’adoption de la Loi concernant l’île d’Orléans et la création des premiers parcs nationaux et grands parcs urbains représentent des exemples de valorisations paysagères visant la protection d’un territoire rural insulaire, de grands espaces forestiers associés aux Laurentides ou d’espaces en bordure du fleuve et de la rivière Saint-Charles. Ces parcs représentent également une valorisation de parties de paysage à des fins d’appropriation sociale.
- En savoir plus : les peintres et l’île d’Orléans
Des peintres comme Marc-Aurèle Fortin, mais surtout Horatio Walker vont contribuer à sa vision de havre bucolique et de lieu à l’esthétique de beauté naturelle où l’homme et la nature semblent en harmonie [28]. Les relevés et photographies de bâtiments des années 1920 traduisent une valorisation du patrimoine religieux et domestique.