Crédit photo: 2019. Pierre Lahoud.
Au cours des âges, de grandes forces naturelles et des conditions climatiques extrêmes ont forgé des paysages singuliers d’une région à l’autre du Québec. Les paysages actuels de la CMQ résultent aussi d’une longue histoire. Trois grandes périodes permettent de comprendre cette évolution :
La mise en place du socle du territoire
Au nord du territoire, le Bouclier canadien se compose de roches parmi les plus vieilles sur la planète. Il y a environ 1 250 à 900 millions d’années, une collision continentale a créé une imposante chaîne de montagnes, en marge du Bouclier canadien, correspondant maintenant à la région physiographique des Laurentides. Composées de roches intrusives métamorphisées, ces roches représentent la racine d’une ancienne chaîne de montagnes exposée à l’érosion depuis des millions d’années. À la suite de la formation de ces anciens reliefs, l’ensemble des masses continentales terrestres était alors réuni en un seul continent nommé Rodinia.
Il y a environ 600 millions d’années, la fragmentation du continent Rodinia a contribué à la distinction de masses continentales (laurentia, baltica, amazonia, rio plato…) et, par la suite, à la formation d’un vaste océan nommé Iapétus. L’accumulation des sédiments au fond de l’océan Iapétus a formé les roches sédimentaires caractéristiques de la Plateforme du Saint-Laurent, parmi lesquelles on distingue les calcaires argileux, les shales, les grès et les ardoises. Cet océan s’est élargi avec le jeu des plaques tectoniques qui s’éloignaient les unes des autres. À partir de 450 millions d’années, l’extension de l’océan Iapetus s’inverse totalement, les continents se rapprochent et les Appalaches se forment.
Les glaciations de l’ère quaternaire
Il y a 2 millions d’années, les glaciations marquent l’époque du quaternaire. À partir de 60 000 AA (avant aujourd’hui), la glaciation du Wisconsin amorce la formation d’un vaste glacier, l’Inlandsis laurentidien, qui enfouit presque tout le Canada sous plusieurs kilomètres d’épaisseur de glace. La grande région de Québec se retrouve alors sous 3 km de glace. La fonte de cette calotte glaciaire lors d’épisodes de glaciation-déglaciation a donné naissance aux mers de Champlain et de Goldwaith.
La déglaciation et les niveaux d’invasion marine du Saint-Laurent
La déglaciation a produit une forte érosion, principalement due aux eaux de fonte des glaciers, de même qu’une remontée du socle rocheux à cause de la diminution de la charge due au poids de la glace. Puis l’accumulation de dépôts de surface, sous l’effet d’une invasion marine en retraits progressifs, a donné la dernière touche à la morphologie actuelle du territoire. Les rivières ont pris graduellement leur place et ont segmenté le territoire en vallées parallèles s’écoulant vers le fleuve. Chaque niveau d’invasion marine a suscité la mise en place de dépôts typiques d’argile, de sable ou de gravier. Plusieurs usages actuels dépendent de la nature de ces dépôts, par exemple, la présence de sablières. Vers 11 500 ans AA, la mer de Champlain recouvrait la colline de Québec et l’île d’Orléans jusqu’à une élévation de 180 à 235 m sur la rive nord et jusqu’à environ 190 m sur la rive sud. Les cinq cartes [1] suivantes illustrent les niveaux d’invasion marine et leur retrait progressif.
Les baisses successives des niveaux d’eau ont produit une série de terrasses en bordure du fleuve. Le niveau maximal d’invasion marine marque la limite physiographique des Basses-terres du Saint-Laurent avec les Appalaches au sud. Il s’agit du niveau maximal théorique de la mer de Champlain (13 000 à 10 600 ans AA) correspondant à l’intrusion des eaux salées de l’Atlantique [2]. À ce stade, le mont Bélair se détache comme une île. Cette invasion marine est observable par de larges terrasses sableuses laissées au pied du Cap Tourmente, à l’embouchure de la rivière Montmorency, de même que dans les vallées et les deltas des rivières aux Pins, Jacques-Cartier, Jaune et des Hurons.
Au stade de la mer de Champlain à 90 m d’altitude, apparaissent la formation du delta de la rivière Sainte-Anne sur la côte de Beaupré, l’émersion du cap Diamant et de hauteurs dans Sainte-Foy rattachées à la colline de Québec. Apparaissent également des hauteurs dans Lévis qui correspondent au mont Lauzon, de même qu’une partie de l’île d’Orléans.
Au stade de Rigaud (élévation 60 m), 11 000 ans AA, la mer de Champlain présente des eaux saumâtres. La colline de Québec émerge presque totalement comme une île. La mer de Champlain se forme un chenal dans le secteur de Saint-Augustin. Les terrasses de Charlesbourg, de Beauport, de Cap-Tourmente et de Sainte-Anne-de-Beaupré sont encore sous l’eau. Les premières occupations autochtones apparaissent à ce stade alors que le niveau de la mer est estimé à une hauteur de 50 m.
Au stade de Montréal, (élévation 30 m), 9 600 ans AA, la cuvette de Limoilou est immergée alors qu’un chenal débute au niveau de Cap-Rouge. Le lac Lampsilis, une étendue d’eau douce, remplace la mer de Champlain et est alimenté par les eaux de déversement de lacs glaciaires.
Au stade de Barthélémy, (élévation 15 m), 8 400 ans AA, la cuvette de Limoilou demeure encore immergée. Le lac Lampsilis recouvre les terrasses dans Beaupré, associées au niveau Mic-Mac, le pourtour de l’île d’Orléans et le bas des escarpements de Québec et de Lévis. Ce lac diminue graduellement et s’amorce alors la période du Proto-Saint-Laurent, ancêtre du fleuve actuel, à partir de 7 500 ans AA. Le fleuve Saint-Laurent atteint sa configuration et son niveau d’eau actuels aux environs de 3 000 ans AA.
Les assises des grands paysages de la CMQ
La région de Québec se distingue par le caractère spectaculaire de ses paysages. Située à la confluence du Bouclier canadien et des Basses-terres du Saint-Laurent, une longue évolution a mis en place une morphologie distinctive qui présente des paysages de l’estuaire du Saint-Laurent, de plaines, de terrasses ou de basses collines.
Le territoire de la CMQ se partage en deux grandes régions naturelles soit : la plaine du moyen Saint-Laurent appartenant aux Basses-terres du Saint-Laurent où une forêt feuillue domine et les Laurentides méridionales appartenant au Bouclier canadien, recouvertes d’une forêt mixte de feuillus et de conifères. Un piémont marque la limite de ces deux paysages correspondant au niveau supérieur atteint par la mer de Champlain. Ce piémont traverse la CMQ d’ouest en est, puis plonge directement dans le fleuve au-delà du cap Tourmente.
ette carte synthèse permet de visualiser les grands paysages de la CMQ et la localisation des municipalités anciennes et actuelles selon l’emplacement de leur église.
Dans la région de Québec, la plaine du moyen Saint-Laurent correspond au domaine éco-forestier de l’érablière à tilleul de l’est. Sur la rive nord, le cap Tourmente représente sa limite orientale. se subdivise en six grands paysages. Selon le relief, l’organisation des cours d’eau et la nature des dépôts de surface, elle se découpe en terrasses et plaines ou forme l’estuaire d’eau douce du Saint-Laurent. Cet estuaire est encadré par deux grands ensembles, les terrasses de Cap-Rouge – Beaupré et la plaine de Bellechasse et par de hauts escarpements vis-à-vis de Québec et de Lévis. Vers l’est, il inclut l’île d’Orléans et se divise en deux chenaux, définis par des versants plus évasés. Avant de rejoindre le fleuve, diverses rivières la traversent selon des parcours plus ou moins sinueux : sur la rive sud, les rivières Beaurivage, Chaudière et Etchemin, sur la rive nord, les rivières du Cap Rouge, Saint-Charles, du Berger, Beauport, Montmorency, Sault-à-la-Puce et Sainte-Anne. Trois chutes y offrent un spectacle saisissant : la chute Montmorency, plus haute que les chutes de Niagara et représentant un site géologique exceptionnel [3], les chutes de la rivière Chaudière et la chute Kabir Kouba sur la rivière Saint-Charles. Cette dernière franchit la limite entre le Bouclier canadien et les Basses-terres du Saint-Laurent. Les parties basses adjacentes aux rivières du Cap Rouge et Saint-Charles, autrefois inondées par l’ancêtre du fleuve Saint-Laurent, délimitent au nord la basse colline de Québec. Les espaces agricoles y profitent de la richesse de dépôts marins et fluviaux alors que les terrasses de Saint-Augustin-de-Desmaures jusqu’à Beaupré correspondent à des retraits successifs de l’invasion marine. De même, les grandes savanes et tourbières dans Lévis se sont formées par la présence de zones d’invasion marine n’ayant pu s’écouler à cause de leur blocage par des crêtes rocheuses localisées en bordure du fleuve.
Au nord, la plaine du moyen Saint-Laurent s’adosse aux Laurentides méridionales largement recouvertes par une sapinière à bouleau jaune. Successivement du sud vers le nord, on y trouve trois grands ensembles : le contrefort des Petites Laurentides, le plateau des rivières Jacques-Cartier, Montmorency et Sainte-Anne, et les basses collines du lac Batiscan. Dans le contrefort des Petites Laurentides, émergent les monts Bélair, Wright, Stoneham et Sainte-Anne de même que les basses collines de Duschesnay, de Shannon, du lac des Roches, de Sainte-Brigitte-de-Laval ou de Château-Richer. Les lacs Saint-Joseph, Saint-Charles, Delage et Beauport, et les rivières Jacques-Cartier, Saint-Charles, Jaune et Sainte-Anne y découpent des vallées. Les rivières Montmorency et Sault-à-la-Puce y coulent en des parcours encaissés.
Plus au nord, les collines de la base militaire de Valcartier, de Tewkesbury, de Stoneham ou de Saint-Adolphe forment un grand plateau, recouvert d’une forêt mixte et découpée par les vallées des rivières Jacques-Cartier, Sautariski et des Hurons.